Essais cliniques en hématologie au CHU de Grenoble
L’hématologie, une discipline pilote de la recherche clinique en France
Pour le grand public, la recherche médicale est souvent rattachée à l’image d’une découverte révolutionnaire qui va bouleverser le traitement et le pronostic d’une maladie donnée. Même si de tels cas existent, comme ce fut le cas par exemple du médicament « Glivec » dans la leucémie myéloïde chronique, dans l’immense majorité des cas, le progrès médical se construit pas à pas par le biais de nombreux travaux dans le monde qui cherchent à améliorer des situations médicales de plus en plus étroites et ciblées (les grandes maladies sont découpées en entités réduites qui font l’objet de protocoles spécifiques). C’est finalement grâce à une concertation universelle et à une veille scientifique permanente que les références thérapeutiques évoluent et améliorent imperceptiblement les différents critères de progrès pour une maladie : Augmentation du nombre de malades répondeurs aux traitements, allongement de la survie moyenne et de la durée de la rémission, réduction de la toxicité des traitements, amélioration de la qualité de vie etc…
Ainsi aujourd’hui, l’image vraie de la recherche médicale n’est pas celle du chercheur providentiel mais celle d’une organisation interactive et pluridisciplinaire à l’échelon national et international.
L’hématologie française est reconnue pionnière en la matière. Elle représente un modèle d’organisation et jouit à ce titre comme à celui de ses productions scientifiques, d’une notoriété internationale. Cette réussite est avant tout liée à la mise en place, depuis plusieurs décennies, de réseaux coordonnant les différents niveaux opérationnels et les différents centres d’hématologie : une centaine en France.
Les niveaux opérationnels
Dans chacun des 44 centres hospitalo-universitaires français, il s’est créé des interactions fortes entre la recherche fondamentale et la recherche clinique appliquée au malade en vue d’engager des programmes de recherche propres à l’environnement scientifique et social de chaque centre.
La recherche fondamentale fait appel aux technologies nouvelles et aux concepts scientifiques fondamentaux qui intéressent l’hématologie comme toutes les autres disciplines médicales. Chaque laboratoire développe des thématiques très pointues sur des modèles destinés à expliquer les mécanismes fondamentaux du fonctionnement biologique normal et de ses dérèglements pathologiques. Beaucoup de ces travaux sont susceptibles d’être utiles aux malades par le biais de la recherche clinique.
S’il existait encore il y a peu de temps un fossé infranchissable entre les préoccupations des chercheurs fondamentalistes ancrés dans leur thématique étroite et non finalisée vers le malade et d’autre part les cliniciens à l’affût de toute idée nouvelle susceptible d’être utile au malade, mais n’ayant pas accès au gotha de la science.
Beaucoup de centres d’hématologie ont su franchir le pas en créant des interfaces entre ces deux mondes, et se sont regroupés sur des projets communs, créant ainsi le concept de recherche translationnelle si essentiel pour le foisonnement de nouvelles idées et pour l’innovation médicale.
Les réseaux nationaux multicentriques.
Leur création s’est imposée naturellement aux hématologues pour deux raisons principales :
- Le besoin d’échange et de coopération s’est fait sentir pour mettre en commun et mutualiser les compétences et les plateaux techniques de chaque centre.
- L’évolution des concepts scientifiques conduisant à la prise en charge spécifique des différentes maladies de l’hématologie. En outre, leur morcellement en entités étroites dont certaines s’apparentent à de véritables maladies orphelines rendait illusoire la gestion de protocoles de recherche clinique par un seul centre.
Seul un recrutement national permettait la réalisation de ces études dans un temps utile.
C’est ainsi que se sont mis en place progressivement depuis 1984, 11 réseaux nationaux de recherche clinique, avec comme objectif de regrouper l’ensemble d’une maladie hématologique dont chaque centre délègue ses représentants experts. Le nombre de centres participant à chaque réseau varie de 22 à 110 selon les maladies envisagées. C’est donc au niveau de chaque réseau que se rassemblent les informations de chaque centre, l’analyse des nouvelles propositions d’études, l’élaboration et la conduite des protocoles notamment tout ce qui concerne la sécurité des malades et la qualité des résultats, l’évaluation finale de l’étude et sa publication à un niveau international.
Sur les 11 réseaux existant, 8 sont destinés à l’hématologie cancéreuse : LYSA (lymphome), FILO (2 branches : Leucémie aiguë myéloïde et leucémie lymphoïde chronique) GFM (Myélodysplasie), IFM (Myélome), FiLMC (Leucémie myéloïde chronique), ALFA (Leucémie aiguë myéloïde), GRAAL (Leucémie aiguë lymphoblastique) et FIM (Syndrome myéloprolifératif). 1 concerne l’hématologie non maligne : GEHT (Hémostase et Thrombose). 2 enfin concernent des domaines transversaux de l’hématologie : EFS (Etablissement français du sang) et SFGM-TC (Greffe de moelle et thérapie cellulaire).
L’efficacité de ces réseaux fut tout à fait remarquable et unique dans le domaine de la recherche clinique. C’est ainsi que sur une moyenne annuelle de 3 ans (2012-2014), 112 essais thérapeutiques ont été ouverts, 6621 malades ont été inclus annuellement et 89 publications par an ont été faites.
Outre leur apport considérable dans la recherche médicale ces réseaux sont aussi un facteur de cohésion et d’émulation dans la discipline hématologique, un outil de formation pour les jeunes hématologues et un garant de la qualité des soins pour tout le territoire national.
Force hémato : Fonds de Recherche Clinique En Hématologie, une nouvelle étape pour le développement de la recherche académique.
Après avoir montré leur efficacité dans l’élaboration et la gestion des grands essais thérapeutiques coopératifs et multicentriques, et acquis ainsi une notoriété internationale pour chacun des groupes agissant de façon autonome, depuis 2005 de nouvelles difficultés se sont fait jour, essentiellement d’ordre financier. En effet, ces grands essais thérapeutiques qui ne sont que le développement terminal d’un long processus de transfert de la recherche fondamentale vers le malade avant leur application validée, ont trouvé et trouvent toujours des financements importants des pouvoirs publics et de l’industrie pharmaceutique. En revanche, le contexte économique et les restrictions budgétaires, conduisent à des manques de ressources dans deux domaines particuliers qui pourraient mettre en danger tout ce bel édifice.
- Faire face aux coûts devenus considérables du fonctionnement de base de la recherche clinique qui est lié à la professionnalisation des pratiques : structures gestionnaires, nouvelles procédures internationales, sécurité des malades en expérimentation, organisation collective de la biologie etc…
- Soutenir les projets émergents qui sont source de créativité, véritable creuset de toute l’innovation thérapeutique. Ces projets qui supportent la recherche translationnelle sont issus le plus souvent de l’initiative de chacun des centres et appelés à se développer après validation par un conseil scientifique représentatif de tous les réseaux nationaux.
C’est sur cette base que dès octobre 2009 s’est créé Force Hémato à l’initiative de deux des réseaux multicentriques, avec l’objectif de solliciter le mécénat pour trouver de nouvelles ressources.
Les 5 premières années ont été un grand succès et ont conduit l’ensemble des réseaux de l’hématologie à adhérer au projet.
C’est ainsi que sous l’égide de la Société Française d’Hématologie Force Hémato 2 a fédéré l’ensemble des réseaux nationaux multicentriques, et a l’ambition de représenter un nouveau modèle d’organisation de la recherche clinique.
En pratique, le service d’hématologie du CHUGA propose plus de 100 essais cliniques aux patients atteints d’hémopathies malignes ou bénignes leur permettant l’accès aux dernières innovations thérapeutiques.